Anne Françoise COULOUMY
Publications
Un escalier, rue de Paradis, saisi dans les quelques marches qui mènent au palier et s'en échappent. Sur le palier irradié de lumière, une porte close. Sous le paillasson, une lettre. Signe ou symbole d'une rencontre, d'une invitation, d'une complicité ou d'une attente ?
L'intérieur d'un appartement. Une pièce vide, dans la pénombre. L'appartement ne semble pas occupé. Mais quelques objets, abandonnés sur le sol, sur un sofa, un fauteuil par l'occupant ou par un visiteur de passage, peut-être posés là à dessein ; au mur, une collection de tableaux, appartement ou musée ; sur un meuble un désordre organisé. Une porte, ouverte sur une autre pièce, inondée de lumière. Elle projette un rai de lumière dans la première.
Rarement, comme dans cette peinture, se sont imposées ensemble l'évidence de la surface plane du tableau, de la matérialité de la toile et celle de l'image offerte à l'imagination, les sensations colorantes - pour reprendre l'expression de Cézanne -, qui façonnent l'espace, et la touche qui enveloppe les objets de lumière.
Souliers laissés au seuil de pièces mises en abyme, lettre exhibée hors de son enveloppe, et cette porte fermée, comme brisée d'une projection aigue de lumière..., il y a dans la fine matière colorée mille bribes de récits, d'amitiés et d'amours tristes ou joyeuses, dont chacun peut tenter de pénétrer les bruissements silencieux ou qu'il peut féconder du murmure de ses propres remémorations.
Dans un angle, un miroir, posé à même le sol, ailleurs la reproduction d'un tableau célèbre, signent l'ambivalence des espaces et de leurs reflets. Réfléchis dans le cadre du miroir, les plis d'un drap pendent sur le sol. D'autres lits, que l'on devine liés à un lieu intime, à une histoire intérieure, sont à peine défaits ; empreintes calmes d'une nuit, ils ont été ouverts à l'indiscrétion momentanée de la lumière du jour. Quelques indices, la literie, un tapis, un pan de mur, un tome de la Recherche du temps perdu et des lunettes posées sur le drap en attente... laissent au spectateur la mémoire imaginaire d'un récit de vie, à la fois légèreté d'une présence et poids d'une absence. Les touches s'allongent, s'arrondissent, se cambrent, se courbent, ploient les étoffes, plissent les ombres et les lumières comme les textures, donnent, un instant, une expression sensible à l'amorphe et en tirent ensuite le souvenir presque jusqu'à l'abstraction.
Un célèbre historien d'art notait la correspondance entre les draperies de la peinture flamande du XVe siècle et les tableaux de nuages du XIXe siècle, une mise en forme dont la possibilité éphémère n'est jamais réductible au dessin. L'étoffe de velours est l'illusion d'un état de l'informe, les nuages, celle d'une immobilité des changements continus. Des nuages déployés sur la ville, la peinture sensibilise notre imagination, un nuage nous attire.
Retours aux intérieurs. Dans la salle aux dimensions qu'aucun hors champ ne semble pouvoir clore, l'appareil du tribunal est arrangé. Sous une projection lumineuse qui agence l'ampleur, à chaque chaise vide, son dossier de lettres. Quel visiteur est attendu ? Pour quel examen ? Est-ce celui, invisible, que l'ouvreuse observe du balcon du théâtre ? Celui, pour lequel, se prépare une réception ou l'un de ces énigmatiques personnages nocturnes, invités chez les maîtres anciens ou modernes ? Mais, finalement, le visiteur, l'invité, n'est-ce pas le spectateur, l'étranger, qui aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !
Jean-Marie Baldner (historien et journaliste)
Mai 2009
La découverte de la peinture d’Anne Françoise Couloumy a été pour moi bouleversante. Je me suis intéressé, pour tenter de le saisir, à ce qui pouvait fonctionner dans l’impact émotionnel que j’ai pu constater chez ceux à qui je l’ai fait découvrir.
Une réaction immédiate peut être une défense, évoquant la froideur, ou la perfection technique. Défense contre le choc provoqué. Ce ressenti est souvent transitoire, mais il fait peut-être partie de la peinture même.
Car bien souvent le terme d‘absence,d’intensité de l’absence revient. Cette intensité va être mise en relation avec la présence de la lumière.Il sera facile de dire que l’absence est le sujet de toute peinture, cette activité si spécifique de notre espèce, qui nous fait toucher l’éternité dans l’arrêt sur image, qui est un arrêt du temps.
Mais quand même. Cette absence, dont la connotation par l’absence de scène manifeste, (l’action se passe ailleurs, en dehors, avant) n’est qu’un signe, est renforcée, soulignée, par l’intensité de la lumière qui revient souvent dans les commentaires. C’est peut-être là que résiderait la qualité de la peinture. Non dans les thèmes, mais dans la subtile vibration de la matière, qui nous fait ressentir que nous ne sommes jamais là où nous croyons être.
Enfin, mais il s’agit là d’une conviction que je ne saurais vraiment développer : la peinture d’une femme.
Son regard concerne l’intérieur, plus que des intérieurs, et l’intérieur s’interroge différemment que l’on soit homme, ou femme.
Cependant elle nous touche, au fond, qu’on soit homme ou femme.
Merci.
Frédéric MISSENARD, Psychanalyste, 2008
Je me souviens de ta première exposition ... Il y avait de grands tableaux sombres, le vent soufflait dans les bannières, de grandes foules étaient rassemblées. Ces foules venaient d’un autre temps.
Je les ai revues plus tard, vêtues d’amples manteaux, de longues robes, de pauvres jupons, d’attentes indéfinies et inquiètes. Je pensais aux maîtres anciens, à ce rapport que tu entretenais avec eux, si différent du mien, et je voyais aussi s’affirmer ton désir de les inviter dans tes toiles, en maîtrisant des drapés démesurés, des jeux d’ombre et de lumière de plus en plus complexes, des cordes s’entremêlant dans les hauteurs de salles immenses, et des reflets dans ces miroirs convexes, que chez moi on appelait des sorcières.
Un langage pictural pour dire ce qui ne gît pas dans l’accessoire, le sac abandonné, ou le verre et son double en reflet. La solitude n’est pas là.
L’abandon n’est pas dans le coin de la toile où un vêtement s’oublie.
Quelque chose s’est absenté du monde.
Demeurent dans tes tableaux, les portes ouvertes ou fermées. Où es - tu, toi le peintre, dans ce labyrinthe?
Nous savons que de la peinture aussi, quelque chose s’est absenté, et nous voulons faire retour en avant, dans la modernité où nous vivons, avec nos armes, le regard, et la peinture.
Anne GOROUBEN, peintre, 2008
Dans la production antérieure d'Anne-Françoise Couloumy, les œuvres qui m'intéressent sont celles qui me plaisent le moins. Formes humaines indéfinissables, nomades aux faibles quinquets dans un espace glauque, loin de la luminosité qui irradie de la majeure partie de ses toiles. Pour celles-ci, laissez le soleil se coucher, baissez la lumière chez vous, vous serez ravi par la clarté qui émane de la toile, qu'elle s'y glisse par quelque fente, une porte, une fenêtre. Comme si la peinture avait retenu une part de la lumière du jour.
La lumière et ses ombres créent l'espace, libèrent les objets de toute autre présence. Objets si présents, hommes et femmes absents, si lointains, ombres eux-mêmes, ombres qui passent. Je me souviens de l'émouvant tableau choisi pour la dédicace « A mon père ». La porte est close. Il reste la lumière.
Dans les œuvres récentes, le noir et ses nuances s'imposent, la lumière est parcimonieuse, elle se fige en blancs tissus. Ce qui captive n'est plus le raffinement des variations de clarté par lesquelles le monde connu charme, et masque de son voile séducteur de sombres réalités. La peinture a toujours joué de ces oppositions de la vie.
En lumière il y a à voir des présences qui se dérobent, il y a dans l'obscurité des présences prêtes à se révéler, un inconnu à forcer. Si dans la grande salle obscurcie le cadre des miroirs reste perceptible, dans le petit format le mur devient indéchiffrable, l'opacité fascine.
L'oeil s'en approche. Le noir est le creuset de tous les possibles. Les petits êtres des formats réduits possèdent la grâce d'une apparition saisissante que jusqu'alors je n'avais pas perçue.
Sans doute le papier marouflé qui donne au noir sa brillance n'y est-il pas étranger. Une question me bouscule. Quelle sera l'œuvre qui naîtra de cette traversée du noir ?
Quelle curiosité ! Il y a tant déjà pour la satisfaire.
Serge GUILLAUME, Auteur, 2008.
CAHIER ART NO 33 « FAITES ENTRER L’INFINI » (Juin 2002)
Anne-Françoise Couloumy - Les abymes de lumière
Sans doute prisonniers de notre culture, à moins que ce ne soit par peur de l'inconnu, nous découvrons rarement une oeuvre sans avoir instinctivement puisé dans la mémoire de nos références. La peinture d'Anne-Françoise Couloumy n'y échappe pas.
Ici et là, ont donc pu être recueillis quelques « témoignages » de paternité, de fraternité, devrait-on dire, peut être, qui la lient à Goya dont le drame hante ses premières toiles, à Vermeer qu'elle rejoint dans la rigueur, l'architecture lumineuse, et enfin au silence de Balthus. Certes, la création n'est pas l'abiogenèse, mais toutefois, la peinture d'Anne-Françoise Couloumy ne relève d'aucune école... De même qu'il serait bien difficile de l'inscrire dans le temps...
« J'ai commencé démodée et je vais finir par être à la mode... ».
Malgré, ou grâce, aux affrontements arc-boutés et souvent douloureux des premiers pas, où elle refuse « d'aller dans le rien », elle mesure son degré d'engagement et la force de sa volonté. Une volonté, la vraie ! Non pas la matamore, mais la silencieuse. Celle qui tait ses doutes pour mieux les contrer. Celle qui mise sur le calme pour mieux analyser, écouter, puiser, avancer, déterminée plus qu'obstinée, fidèle à une raison qui n'est que la sienne.
Fort heureusement, certaines rencontres, se révèlent dans le même temps, décisives... celle de Boris Tasiitzky. Boris...
Elle apprend de lui, en travaillant, en le regardant, en l'entendant peindre et regarder, en parlant, de peinture et d'autre chose, en partageant, des moments de vie, une amitié.
« ...II prend le temps dont tu as besoin pour entendre et comprendre, il ne pèse pas, mais pose comme des touches, des indices, des choses que tu gardes et que tu ouvriras quand ce sera le moment de faire un pas de plus.
Aujourd'hui, si nous sommes confrères, il est sur mon épaule, toujours, quand je peins, et je l'entends... Ma vigilance. »
On entre dans l'atelier.
L'ébauche est un squelette brun, où les lignes déjà, soutiennent le partage, des ombres et des lumières.
On sait d'où cela viendra. L'espace est là, qui ne s'arrête pas et troue le mur, ouvre une porte ou un miroir, jusqu'à l'infiniment petit d'une mise en abyme...
Tout est là, et pourtant va changer. C'est une scène de théâtre qui lentement s'éveille à une autre lumière... D'une imperceptible caresse, d'un coup, tout bascule. Vigilant, attentif, on n'a cependant rien vu, et tout se regarde autrement.
L'air nous raconte une histoire, et cette histoire maintes fois racontée, évidente, on ne pouvait pas l'imaginer.
Cela vient, cela vient de là. Quelqu'un entre, ne serait-ce que la lumière. Elle est dense, elle a le sens et le poids du vivant. Tout est silence et éloquence.
Parfois, une ombre s'y dessine, ou quelqu'un va s'asseoir, au plus loin, sans déranger, ou de dos et les yeux au-dehors...
Tout est en place et peut encore s'ouvrir, et l'ombre disparaître, quelqu'un partir...
Et c'est une autre histoire, celle qui là, parle mieux.
Le ton monte, on le devinait, on y croit. La toile arrêtée nous dit ce que l'on sait, sans avoir pu l'imaginer. Tout était là, et tout a changé.
Comme lorsqu' on a la chance de voir un tableau, d'abord dans la pénombre, puis dans la pleine lumière de l'atelier... Et ce sont deux tableaux...
Comme on reconnaît cet univers, depuis le début... Car il s'est révélé, sans jamais perdre sa couleur, sa musique particulière et son âme.
Un tableau d'Anne-Françoise COULOUMY, c'est d'abord une vision, ce que cela pourrait être, puis, ce que cela pourra être.
Le fond choisit la forme, elle ne force pas le sujet. C'est l'architecture d'un plein espace, et si parfois elle part d'un centre, c'est celui d'une source, la lumière qui compose déjà l'air qui l'entoure.
Il n'y a guère de hasard...
Peu à peu, l'ombre s'est animée. Il y avait ce qu'on voit par rapport à ce qu'on ne voit pas, de la lumière et du noir, du rien. L'ombre est devenue quelque chose qui n'est pas éclairé. L'idée est la même mais le rapport est différent car il y a de la vie dans cette ombre et on le voit. Les ténèbres quittent l'opacité et s'acceptent. Puis l'angle a changé, à son insu. Il y eut les plongées en regard de balcon, les contre plongées qui mettent en drame et font sonner sur les parquets le poids d'un pas hitchcockien... Jusqu'à venir d'un coup à la hauteur des yeux... Elle sourit, « C'est par ce que j'ai grandi »
Mais reste le vertige des miroirs infinis.
La richesse est dans ce qui bascule en un autre monde.
Il est un moment où l'on ne choisit plus.
Il a fallu passer par la raison, pour aller au sensible, en évitant la déraison, l'imagination folle, pour celle, créatrice. Comme la tradition précède et fonde l'invention.
La peinture est le refuge de l'autre coté, de l'envers et de l'insatiable .
Peindre, c'est quitter le réel pour aller dans la vie, et ne pas cesser de se raconter des histoires.
Ensuite, ce sont les autres qui s'y racontent leurs histoires.
Peindre ne s'arrête pas. Le voyage est désormais dans la chair de la peinture, où le sensuel est sens, hors temps et sans limites. Sous l'ordre, dans l'ordre, se dessine de l'intime, de l'humain, du grand fragile...
La peinture, caresse, s'attendrit.
Dès lors, plus elle avance, plus elle prend de distance par rapport à ce que l'on appelle la création. La peinture est d'abord un métier, à faire le mieux possible :
« J'y suis, nécessairement. S'il l'on est d'accord avec moi, et si je suis bonne ouvrière, si le fond et la forme s'accordent, alors on peut s'y retrouver, être ému. Prendre le parti du sens, c'est aller à la recherche d'une vérité, de sa vérité, tenter de parler juste. C'est laisser le moins possible de place au hasard, à la facilité ou à l'artifice. L'oeuvre en elle-même n'est qu'une somme de matériaux ordonnés. L'essentiel est ailleurs, dans l'être, dans celui qui vit, qui sent, qui fait. Il n'y a pas de miracle. Si la peinture émeut, ce n'est que cela, on a parlé vrai et bien fait son métier ».
Il n'y a pas de miracle, il y a quelqu'un, derrière, une oeuvrière.
Jacques MOANO
Préface au catalogue de l'exposition de novembre 2001 (Juillet 2000)
Galerie Etienne de Causans
Extrait d’une lettre à ma fille Eva
C’est une oeuvre bouleversante, d’intensité toujours, de gravité souvent : il y a là un mystère auquel tu sens que tu pourras accéder, l’essence même de la vie. Jamais aucune peinture ne m’a autant remuée.
Beaucoup de verts sombres, de bruns rougeâtres (de ces « non couleurs » qu’ont encore certaines écoles, des hôpitaux, des bâtiments administratifs ou des appartements bourgeois un peu désuets) ; rouge vif, jaune doré et outre-mer, n’y prennent que plus de relief.
Lumière, ah… Lumière, dont on ne voit jamais la source mais l’effet : fenêtres absentes, dont les croisillons ombrent un mur nu, lampes invisibles projetant leur halo sur des parquets luisants jusque dans les couloirs étroits, oeil-de-boeuf révélé de biais par une glace.
Enfilade de couloirs lambrissés sur lesquels ouvrent des portes et des portes… Personnages indéfinis absorbés dans une intense activité intérieure ; lecture d’une lettre, méditation, recueillement, comme si quelque chose de très important venait d’arrive ou allait survenir…
Plafonds voûtés sur d’obscurs corridors successifs par lesquels s’éloignent de rares silhouettes surabondamment vêtues de sortes de burnous gris, bleu nuit, allant vers l’afflux de lumière blanche d’un patio…
Et puis tous ces tableaux dans leurs cadres de bois, ovales, ronds, rectangles et autres carrés, reflétés par des miroirs accrochés très haut sur les murs : éblouissante mise en abyme digne du « Cabinet d’amateur » de mon cher Perec !
Cette peinture raconte des histoires que tu peux inventer à ta guise, parle de lieux à la Baudelaire, où tu as… « longtemps habité… » et que tu peux décrire à la Robbe-Grillet sur un ton monocorde et retenu.
L’intensité extraordinaire de ces moments surpris dans leur intimité, leur gravité, leur manifeste importance, force ton regard mais aussi aiguise ta pensée et te bouleverse vraiment !
Elle te dit la joie, la douleur, la stupeur de vivre…
C’est beaucoup plus que de la peinture ; c’est une pensée à la fois calme et inquiète, secrète et fraternelle, qui t’interpelle en amie exigeante.
Elle te demande instamment s’il est une réponse à la question essentielle que, comme toi, elle se pose !…
Françoise GRANGER
Préface au catalogue de l'exposition (Octobre 1997)
Galerie Etienne de Causans
Un tableau qui serait bien plus qu’un tableau…
Cette peinture-là dit des choses essentielles, au-delà du beau, des qualités de facture et de maîtrise formelle. Elle parle comme une grande oeuvre littéraire, - celle de Pascal ou de Dostoïevsky – de la condition humaine, de l’étonnement d’exister. A l’évidence, c’est une âme, non des pinceaux, qui vient occuper la toile de manière impérieuse, ferme, compacte, nécessaire.
Une philosophie du mystère… voilà ce que, selon moi, exprime picturalement Anne-Françoise COULOUMY. Un mystère qui ne se confond pas avec l’absurde car l’absurde n’est que l’absence du sens tandis que le mystère est la promesse du sens, le scintillement du sens, un sens à la fois présent et absent, comme un Dieu caché…
Des lumières qui arrivent à l’oblique, venant d’endroits inaccessibles… car la source, la vraie source de vie demeure invisible aux sens comme à l’intellect.
Des couloirs, des antichambres, qui indiquent le chemin fait et le chemin à faire…
Des murs, des grands murs, longs, hauts, présentés de afce, des murs tellement présents, presque obscènes, qu’ils font se demander ce qu’il peut y avoir derrière….
Des personnages plus petits que la nature, plus petits que les villes, plus petits que les maisons : encore l’homme tout simplement.
Des costumes incernables, qui n’appartiennent ni à une époque, ni à un pays, ni à une classe : l’homme vous dis-je.
Des visages sans traits, sans caractéristiques, sans histoires spécifiques : l’homme tout simplement.
Parfois, les vivants égarés dans les toiles regardent un lieu, un lieu dissimulé, que nous, spectateurs, ne voyons pas et que nous pouvons identifier à notre guise.
Car on déambule librement dans ces tableaux, ils rendent l’imagination fertile. Plusieurs fois, j’ai fait parler mes amis devant eux : chacun à partir du même tableau, me racontait une histoire différente, se passionnait pour son récit, prenait des risques, se dévoilait, et m’apprenait autant de choses sur lui que sur la toile.
Une oeuvre précise et cependant mystérieuse. Une oeuvre qui pose la question du sens. Une oeuvre interrogative. Rarement, on aura vu, si vite, une telle adéquation du fond et de la forme.
C’est uniquement en écrivain que je me permets de parler de peinture, et l’écrivain que je suis voulait simplement témoigner ceci : les tableaux d’Anne-Françoise COULOUMY font partie de mes plus belles heures de lecture.
Eric-Emmanuel SCHMITT
La gazette de l'hotel Drouot (Novembre 1996)
Sens du clair-obscur et de la lumière, sens de la perspective, palette subtile et nuancée dans une dominante de couleurs froides : telles sont les belles qualités de cette artiste de 35 ans qui, dans ses dernières oeuvres, semble s’être dédramatisée même si certains de ses sujets, comme les couloirs d’hôpitaux ou les salles d’attente, ont pu figurer parmi les thèmes de ses deux expositions précédentes. Le souvenir des Hollandais du XVIIe, et de Vermeer notamment, plane sur certaines toiles. Le mystère est toujours présent. Mes coups de coeur : un petit tondo représentant un tribunal à contrejour, un vaste paysage de décombres que contemple au loin un minuscule personnage et ce petit tableau intitulé La Cave où l’artiste fait admirablement se conjuguer la profondeur et l’écrasement, l’angoisse nocturne et l’espérance de la lumière.
Marc HERISSE
Arts actualités magazine (Novembre 1996)
Un regard de Couloumy
Comme une indiscrétion, la peinture d’Anne-Françoise COULOUMY revêt un caractère intimiste à travers des scènes d’intérieur qu’elle exprime avec une rare tendresse. A la manière d’un artisan, son travail remarquablement construit invite à pénétrer ce monde, tout en laissant le libre choix au lecteur de construire sa propre histoire émotionnelle.
Par la lumière comme fil conducteur de son oeuvre, l’artiste exprime une multitude de sentiments, tour à tour joie, mélancolie… qui ne laissent pas indifférent.
C. GRENTE
Le Républicain (Novembre 1996)
Depuis 4 ans qu’elle se consacre à la peinture Anne-Françoise COULOUMY expose régulièrement à Paris. Son travail sur la lumière, sa volonté de suggérer la présence humaine, d’inviter le regard à pénétrer à l’intérieur de ses tableaux suscitent l’engouement d’un nombreux public.
Deviendrait-elle une valeur à la mode, elle que l’on considérait à l’Ecole des Arts Décoratifs comme « un peintre ringard » ?
« On devait privilégier la spontanéité et ne pas se laisser contraindre par des règles. J’ai toujours pensé le contraire, que la liberté se gagne par la maîtrise de la technique ».
Toutes ses oeuvres mettent en scène la lumière : éclairage projecteur ou lumière plus diffuse, celle-ci constitue un élément de composition qui guide l’oeil à l’intérieur des toiles. La lumière a un véritable poids dans sa composition. Elle participe à l’équilibre des masses .
Chaque image intérieure est structurée par des ouvertures, fenêtres, encoignures, portes, qui renforcent ces jeux de lumières et crée un espace réel dans lequel le regard peut voyager. « Une petite fille m’a dit un jour : « c’est bien ce tableau, on a l’impression de pouvoir marcher dedans ». Et c’est ce que je souhaite, qu’on puisse entrer ainsi dans ma peinture ».
Anne-Françoise COULOUMY travaille toujours dans son atelier et réinvente, recompose ce qui l’a marquée : une attitude, un visage, une émotion. L’oeil photographie sans cesse…Les drames humains, la solitude, la vieillesse ou tout simplement l’homme face à lui-même, donnent à voir et à peindre .
Si ses tableaux sont très intimistes, ils ne sont cependant pas tristes. Couleurs, lumières, suggestions, sont autant de clés pour pénétrer son oeuvre.
Stéphanie HASENDAHL
Journal France-Amérique (Novembre 1996)
Anne-Françoise Couloumy : Un Hopper français
Les huiles d’Anne-Françoise COULOUMY, empreintes de tradition, sont de facture française. Elles sont donc sans parenté, malgré certaines ressemblances, avec les toiles de Hopper. Elles sont authentiques, intimistes, simples et universelles, dans la lignée des grands maîtres.
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, Anne-Françoise COULOUMY a exercé dans les domaines de l’édition et de la publicité avant de se consacrer exclusivement à la peinture. Cette décision a rendu son oeuvre artistique plus profonde et plus cohérente.
Le travail lui a permis, par la maîtrise des techniques artistiques, de libérer ses capacités à créer : « la peinture est, certes, plus qu’un travail, mais sans lui elle ne peut exister ».
Une oeuvre appréciée par les Américains
Sa peinture s’est progressivement chargée de sens et a pu exprimer sa véritable intimité, mais le peintre ne se sent pas le seul détenteur du secret de son oeuvre. A partir d’une idée, la toile peut évoluer, rejoindre d’autres idées et le regard des autres lui donner une émotion nouvelle .
On a envie de défendre cette peinture authentique qui s’offre immédiatement à celui qui sait la regarder et s’oppose aux conventions du symbolisme. Certes, on peut tenter d’analyser les toiles d’Anne-Françoise COULOUMY, parler de leur organisation interne, de la symbolique des objets et des couleurs, mais ce ne sont que des outils qu’elle utilise au service de son véritable but qui est le sens.
C’est sans doute la raison pour laquelle beaucoup voient dans ses toiles une parenté avec les maîtres anciens : Vermeer, Géricault, Goya, Rembrandt…
…Dans ses grands espaces comme dans ses lieux intimes, subsiste toujours, vivante, la trace intemporelle d’un passage humain.
On est saisi par l’utilisation qu’elle fait de la lumière, par la force du trait, par la tonalité même des couleurs employées.
Anne-Françoise COULOUMY sculpte des ombres dans le jour…
Olivia de COUPIGNY
La gazette de l'hotel Drouot (Novembre 1995)
Dans une belle matière lisse et satinée et dans des tonalités souvent froides de verts sombres et de bronzes que viennent réveiller des éclairages dorés indirects, cette jeune artiste de 34 ans sait susciter le mystère dans ses scènes d’intérieur qu’habitent des êtres errants ou désorientés.
Ce mystère souvent s’accentue par des ouvertures en perspective sur des enfilades de portes qui ne semblent conduire nulle part. Il sort de ces toiles apparemment sereines, une sorte d’angoisse. COULOUMY est un peintre nocturne comme en témoignent également ses scènes extérieures imaginaires animées de silhouettes goyesques et intemporelles à la fois. Des natures mortes, elle sait capter toute la vie silencieuse.
Marc HERISSE
Le Républicain (Decembre 1989)
« Anne Françoise COULOUMY à la Pernoderie de Créteil, un talent prometteur »
Anne françoise COULOUMY, peintre figuratif, présente actuellement à la Pernoderie de Créteil, et ce jusqu’au 14 décembre, une collection personnelle de 27 toiles et 13 dessins.
Une oeuvre particulièrement attachante tant par le choix des sujets, que par la densité de la palette…
Des scènes de lutte, de survie, de mort, des personnages, dont le monde n’est peut être pas si éloigné de celui dans lequel nous vivons. L’autre facette de l’oeuvre est plus paisible et nous offre des natures mortes…Reliant ces deux contrastes, une série de dessins, arbres noueux, forêts, racines, dont la force et l’émergence forment des liens idéaux de lutte pour la conquête de la lumière…
L’espoir donc, ponctue l’expression de ce jeune peintre qui parle avec son coeur et qui a…quelque chose à dire.
Je suis certain que si elle conserve son écriture authentique, Anne Françoise COULOUMY ne mettra plus encore très longtemps à faire parler d’elle, et à rejoindre le rang de ses aînés.
Une première très prometteuse, que les amateurs de peinture se doivent d’aller voir.
C. GRENTE
Préface de l’exposition à la pyramide Pernod (1989)
VISION PEINTE
Quelle mémoire abolie
Quelles réminiscences
Travaillent l’espace nocturne
Avec les somptuosités glauques des visions
Les résonances virides au bord du noir
Quelle passion
Soulève et noue
La tragédie
Soudain figée dans son éclair
Quelle pitié
Relie le jeu de mort
A l’obscur éblouissement
De la survivance résignée
Un noeud de bois mort
Déchiqueté
Retient dans sa déchirure
Un cri goyesque et rauque
Tandis qu’un citron là-bas
Sur un linge où le blanc se décline
S’acoquine au ventre d’un pot bleu
Pour affirmer côté lumière
La justesse plein feu d’un regard.
Poème de Jacques GAUCHERON
Copyright Anne Françoise COULOUMY - Tous droits réservés.